Un féminisme décolonial
- EAN 9782358721745
Pourquoi le terme « féministe » est-il librement approprié à la fois par
l’extrême droite, la gauche, et le capitalisme ? Dans un contexte, où les
notions de féminisme et d’égalité sont vidées de leur sens hier radical, que
peut signifier être féministe aujourd’hui? Quels sont les combats à mener?
Comment mettre au cœur des luttes des femmes l’antiracisme, l’anticapitalisme et
l’anti-impérialisme? Françoise Vergès s’attache d’abord à interroger les deux
récits médiatiques qui dominent l’histoire du mouvement des femmes des années
1970 en France, l’un qui parle d’un mouvement qui aurait mené à une
reconnaissance de la place des femmes françaises dans la république avec ses
valeurs de laïcité et d’égalité, l’autre qui dénonce un mouvement qui aurait
été exclusivement « blanc » et essentiellement intéressé par la liberté
sexuelle. Reconnaissant une profonde asymétrie entre ces deux récits, Françoise
Vergès questionne cependant les causes de l’effacement de féminismes radicaux et
anticoloniaux, antiracistes et anti-impérialistes des années 1970. Il faut en
effet analyser comment le féminisme étatique contribua à la pacification du
mouvement radical en faisant des discriminations et de la loi l’objectif des
luttes; comment il transforma le contrôle des naissances dans le Sud global ou
auprès des femmes pauvres et immigrées et l’intégration des femmes racisées dans
le monde du travail globalisé en politiques de la sororité. Il a su faire de
l’intégration des femmes dans le monde du travail et dans celui de l’éducation
la mesure du progrès des gouvernements et des institutions internationales. Le
féminisme carcéro-punitif a pris peu à peu une place majeure, donnant au
tribunal et à la police le rôle de protéger les femmes des discriminations et
des abus, ignorant l’analyse sociale et politique. Violences domestiques et
sexuelles sont devenus le fait d’individus isolés, enfermés dans une pathologie
de masculinités arriérées et n’ont plus été analysées comme faits sociaux. En
faisant disparaître le radicalisme des mouvements de femmes des années 1970 qui
furent portés par l’énergie des grandes luttes anti-impérialistes et
antiracistes pour passer à un féminisme de la pacification, c’est le désir de
faire éclater les structures qui est effacé. Dans un deuxième temps, à travers
une lecture critique de la métaphore de "vagues", l’auteure propose une
temporalité et une spatialité des luttes des femmes pour la justice et la
liberté, contre le racisme et pour l’égalité qui excède celles du cadre
national. En partant des luttes des femmes esclavagisées et colonisées, puis des
luttes des femmes des sociétés postcoloniales françaises, elle montre
l’internationalisme des luttes. Puis, partant des grèves de ces dernières années
de femmes ouvrières racisées qui font le ménage dans les hôtels ou nettoient les
gares, Françoise Vergès revient sur les analyses féministes autour de la
question du travail dit « féminin » – le travail de soin et de nettoyage. Elle
propose de mettre au cœur d’un féminisme politique et révolutionnaire ce travail
dans ses dimensions de classe et de race. Enfin, Françoise Vergès fait une
analyse critique des politiques gouvernementales actuelles – la parité et
l’inégalité – et, s’appuyant sur les nombreux exemples d’offensive féministe à
travers le monde, elle suggère des pistes d’action et des axes de recherche pour
renforcer un féminisme politique et révolutionnaire.
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