Le Sionisme du point de vue de ses victimes juives
- EAN 9782913372597
Ella Shohat est née et a grandi en Israël dans une famille de Juifs irakiens
originaires de Bagdad qui avaient quitté leur pays dans les années 1950. « En
tant qu'Arabe juive, écrit-elle, je suis souvent amenée à expliquer les
?mystères? de cette entité antinomique. Expliquer que nous parlions l'arabe et
pas le yiddish, que pendant des millénaires, notre culture, comme notre
créativité profane ou religieuse s'est largement exprimée en arabe. » Elle est
une figure emblématique des intellectuels et militants orientaux de la deuxième
génération - celle née en Israël après l'immigration massive de Juifs du Maghreb
et du Moyen-Orient dans les années 1950-1960 - qui développèrent à partir de la
fin des années 1980 une critique radicale du sionisme et de la société
israélienne façonnée par les ashkénases (Juifs d'Europe). Dans les années
1950-1960, en réaction à l'hégémonie ashkénase, des mouvements de protestation
et de résistance orientaux émergent en Israël. Le plus célèbre fut celui des
Panthères noires d'Israël, composé essentiellement de jeunes maghrébins juifs
issus des quartiers et des cités populaires de Jérusalem. D'abord réprimées par
les autorités israéliennes, puis récupérées par des groupes d'extrême gauche ou
le parti communiste, et finalement écartées de la société israélienne, les
Panthères noires - malgré leur brève existence - demeurent une référence pour
les jeunes orientaux. Il faut attendre les années 1980 pour voir apparaître en
même temps que le Shas (parti religieux des Juifs orientaux) une critique
intellectuelle laïque chez les Orientaux. Le titre de l'article d'Ella Shohat, «
Le sionisme vu par ses victimes juives », en résume la teneur. Écrit en 1988, il
fut publié pour la première fois en ouverture du numéro spécial de « Social Text
» consacré au débat colonial. Traduit ici pour la première fois en français, il
est considéré comme un texte fondateur et reste une référence pour toute une
génération d'intellectuels qui analysent le sionisme comme une idéologie
européenne à caractère orientaliste et colonial, orchestrant l'acculturation, la
sécularisation et la destruction des références identitaires des « Arabes juifs
». Les intellectuels de cette mouvance, tout en insistant sur le désastre social
et culturel que fut la « sionisation » des « Arabes juifs », pensent leur propre
histoire en rapport avec les autres victimes du sionisme, les Palestiniens. «
Jusqu'à présent, le discours critique alternatif sur Israël et le sionisme s'est
essentiellement concentré sur le conflit israélo-palestinien, considérant Israël
comme un État constitué allié au bloc occidental contre le bloc oriental, et
dont la fondation même reposait sur la négation de l'Orient et des droits
légitimes du peuple palestinien. Je voudrais ici élargir le débat et dépasser
ces anciennes dichotomies (Orient contre Occident, Arabes contre Juifs,
Palestiniens contre Israéliens) pour aborder un aspect que toutes les
formulations précédentes ont éludé : la présence d'une entité médiatrice, à
savoir les Juifs orientaux, également appelés « misrahim », originaires dans
leur grande majorité de pays arabes et musulmans. Une analyse plus complète
doit, comme je m'efforcerai de le montrer, prendre en compte les effets négatifs
du sionisme pour le peuple palestinien, et pour les misrahim qui représentent
aujourd'hui la majorité de la population juive en Israël. De fait, le sionisme
prétend parler au nom de la Palestine et du peuple palestinien, lui confisquant
du même coup toute capacité de représentation indépendante, et il se veut en
outre le porte-parole des Juifs orientaux. Or, en niant l'Orient arabe, musulman
et palestinien, le sionisme a nié les Juifs ?misrahim? (littéralement, ?ceux
d'Orient?) qui, tout comme les Palestiniens, ont eux aussi été spoliés de leur
droit à la représentation - à travers des mécanismes certes plus subtils et
moins franchement barbares. La voix dominante d'Israël, dans le pays même et sur
la scène internationale, a presque toujours été celle des Juifs européens, les
ashkénazes, tandis que celle des misrahim a été largement étouffée, voire
réduite au silence. »
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