"Il faut faire confiance à la justice"
- EAN 9782488115025
Enfant, il suffisait qu’on me dise « Il faut souffrir pour être belle » ou « Il
faut goûter pour savoir si on aime » pour que je préfère encore être moche et
perde toute envie de toucher à mon assiette. Alors « Il faut faire confiance à
la justice »… Pensez ! Pourtant, peut-être parce que j’avais envie de croire en
elle, je suis devenue avocate. Et aujourd’hui, je me demande à quelle catégorie
sociale protégée, à quel corps bienheureux il faut appartenir pour pouvoir dire,
en matière de violences sexuelles, « Moi, je fais confiance à la justice ».
Comment faire confiance à une justice qui commence presque systématiquement par
mettre en doute la parole des plaignantes ? Depuis #MeToo, les plaintes pour
viol sont passées du simple au double. On estime que 94 % d’entre elles sont
classées sans suite. Que 65 % des victimes de féminicide avaient saisi les
forces de l’ordre ou la justice. Et que la vaste majorité des enfants ayant
rapporté des violences sexuelles sont laissés sans protection.
Le parcours judiciaire est semé d’embûches pour les victimes que j’accompagne.
Et quand je dis « embûches », j’euphémise, probablement pour me tenir à distance
des innombrables maux que suscitent ces procédures. Découragement, lassitude,
épuisement, victimisation secondaire, réactivation des traumatismes, colère,
rage, incompréhension, désespoir, dépression, sidération… Jusqu’à la mort,
parfois. Dans les cas où justice est rendue, on n’hésitera pas à crier à la
moralisation de la société, aux hommes qui ne pourront bientôt plus prendre un
ascenseur avec une femme, aux féministes qui vont trop loin et aux avocates
féministes qui veulent piétiner la présomption d’innocence. Le reste du temps,
la petite phrase « Il faut faire confiance à la justice », comme une
ritournelle, continue de faire le tour de France des propos de comptoir.
Il faut bien s’efforcer, pourtant, de construire cette confiance en la justice.
Parce que c’est elle qui pourra permettre de modifier durablement la loi
d’airain de la domination masculine. Nous qui avançons dans notre fragilité
extrême, qui tentons de déconstruire pour reconstruire, nous n’avons pas que nos
larmes ou nos hurlements, contrairement à ce que l’on entend. Nous avons aussi
des choses à apprendre aux personnes qui pensent aujourd’hui ne pas nous
ressembler, qui sont écœurées quand elles entendent le mot « victime ». Nous
avons beaucoup de force et de ressource. Et nous avons notre humanité.
(Permis de déconstruire N02. Sticker et emballage cadeau inclus.)
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